Portrait : Alphonse Cadier, pourquoi les Cadier en Béarn?

 

Jusqu’en 1905. sous le Concordat, les Eglises dépendaient du Ministère des Cultes; les pasteurs étaient donc des fonctionnaires de l’Etat. Ils n’étaient titulaires que si un poste existait dans la paroisse; sinon, ils étaient dits «auxiliaires» jusqu’à ce qu’un nouveau poste soit créé en fonction de diverses conditions – nombre de fidèles entre autres. Il va de soi que cela influait sur leur salaire. D’autre part, pour les pasteurs auxiliaires, toute pratique des cultes pour les groupes de plus de vingt personnes était soumise à l’autorisation du préfet. Interdiction également de toute «association» non-autorisée. Et les préfets ne se gênaient pas, bien souvent, pour augmenter les restrictions qu’imposait la réglementation royale puis impériale.

Ce préambule pour montrer l’ambiance dans laquelle un jeune pasteur pouvait exercer son ministère, surtout en province. Et c’est ce qu’à longtemps vécu Alphonse Cadier: car il s’agit évidemment de lui, puisqu’il est notre ancêtre à tous ! Il est né le 15 mars 1816 à Sancerre dans le Cher, ville de ses grands-parents maternels; mais sa famille était originaire d’Asnières, faubourg de Bourges. Son père respecta sa vocation et en 1836, il commença des études de théologie à Montauban. Il avait obtenu une bourse, eu égard à la situation modeste de sa famille. En 1838, il passa ses vacances de Pâques à Pau, invité par des amis.

En 1841, il prit pendant six mois une sufragance à Orléans et fut nommé pasteur et consacré le 6 juin 1841 à Patay (Loiret). Il y resta jusqu’en 1844. Le Consistoire d’Orléans le nomma alors pasteur-auxiliaire à Blois (Loir-et-Cher) où une demande de création de poste, souvent réitérée, n’aboutit qu’en 1852, titularisant ainsi le pasteur.

Pendant ces quatorze années de ministère en Loir-et-Cher, il assura la desserte de ce que nous appelons aujourd’hui des «annexes»: Josnes, Romorantin, Saint Léonard et surtout Vendôme. Car c’est dans cette dernière ville qu’il fut pris dans le collimateur de l’Administration, représentée par le préfet, à la suite de ses libertés prises vis-à-vis de la réglementation : réunions non-autorisées, organisation illégale de cultes réguliers et à deux reprises obsèques d’un catholique, bien entendu à la demande expresse des familles. Et c’est ainsi qu’un procès lui fut intenté; condamné en première instance, il fut acquitté en appel, à Orléans par une Cour plus libérale. Son esprit d’entreprise, qu’il semble avoir légué à ses descendants, l’amena à Blois à construire un temple puis un presbytère (1847-1848), quitte à faire des dettes qui furent plus tard difficiles à éteindre. Néanmoins, surtout depuis son procès de 1857, Alphonse réalisa que cette sourde hostilité des pouvoirs publics et ces brimades étaient une indication à demander sa mutation hors de la région d’Orléans.

Or il se trouvait qu’à Pau, le pasteur de l’Eglise Libre, Monsieur Buscartet, en poste depuis 1838 et qui assumaiten plus la desserte des Réformés Evangéliques de Pau, se sentait fatigué et demanda qu’on le décharge de cetteseconde activité. C’est alors qu’ayant appris le désir de mutation de son vieil ami et camarade d’études, le pasteurLourde-Rocheblave, président du Consistoire d’Orthez, écrività Alphonse Cadier pour lui proposer la desserte de Pauqui comptait 125 paroissiens.

Il déposa alors sa demande de mutation au Ministère; le choix de Pau qui ne sembla pas être du goût du préfet(lettre de «contre-recommandation» à son collègue des Basses-Pyrénées qui n’en tint pas compte…), fut facilité par unrapport des médecins dont voici le texte: «Le pasteur, fort maigre et de mauvaisétat général, est menacé de phitsie et leseul palliatif à cette menace serait la vie dans un climat sédatif.» Certificat de complaisance ou erreur de diagnostic?Toujours est-il qu’Alphonse, qui avait alors 42 ans, vécut jusqu’à 95 ans!

La famille s’installa donc à Pau au début de l’été 1858, tout d’abord rue du Hameau (rue Pasteur), puis lamaison étant vendue, au 30 rue Montpensier; c’est au même numéro 30 que vivait comme retraité, le pasteur Ami Bost etsa femme qui se retirèrent à La Force en 1869; et Alphonse fut tout heureux de les retrouver car ils avaient connu Ami(le père de dix fils) lorsqu’il était pasteur à Asnières-tes-Bourges de 1843 à 1846.

Enfin il se retira en 1898 au 14 rue Taylor où il mourut le 30 mai 1911. Il avait perdu sa deuxième femme«Maman Laure» en 1869; sa fille Elise prit en mains alors les soins des enfants et du ménage; plus tard elle futremplacée par Lucie. Et chacun sait que son fils aîné, Alfred, s’installa comme pasteur à Osse en 1872 avec sa femmeHelen, qu’ilsélevèrent sept enfants et qu’Alfred vécut dans notre belle vallée d’Aspe jusqu’à sa mort en 1933. Voilàpourquoi les Cadier sont en Béarn depuis plus de 130 ans.

Par Henri AlbertCADIER Avril 1990Sources bibliographiques:Le Livre d’Or de la Famille Cadier par Alfred CadierLes Eglises Réformées du Béarn tome 3 par Marc ForissierGerbes de Souvenirs par Jean-Paul ReussM. le pasteur Alphonse Cadier-Actes divers de son ministère-in Archives du Consistoire d’Orléans 1840-1858Notes relevées par M. Jean Le Maire, petit-fils du pasteur Josnes, secrétaire du Conseil Presbytéral.

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